La 26e Conférence des Parties (COP26) des Nations Unies sur les changements climatiques tire à sa fin. Cette année, la conférence se déroulait à Glasgow, en Écosse, du 31 octobre au 12 novembre.
Pour beaucoup d'entre nous, cet événement semble loin de nos préoccupations et de notre quotidien. Pourtant, ironiquement, les décisions prises dans ce lieu lointain pendant cette courte période de deux semaines auront de profondes répercussions sur notre avenir, celui de nos enfants et petits-enfants et des générations à venir.
Nous, les humains, mais aussi toutes les espèces qui forment l'incroyable toile de la vie de notre planète Terre, subirons ces répercussions. Les changements climatiques et la perte de biodiversité sont intimement liés et constituent les deux plus grandes menaces à notre existence.
La forêt boréale de l’Amérique du Nord fait naître beaucoup d’espoir, car elle offre nombre de solutions à ces crises jumelles. Tout d’abord, nous prenons conscience du fait que la forêt boréale constitue l'un des plus grands puits de carbone terrestre du monde. Des restes de plantes, qui se sont accumulés au fil de milliers d’années – et dont la plupart se sont transformés en sols riches en carbone – sont retenus sous le pergélisol, dans les tourbières,
dans le sol des forêts et des milieux humides ainsi que dans les dépôts de sédiments des lacs, des étangs et des rivières. On estime qu’ensemble, ces dépôts de sédiments contiennent plus de 200 milliards de tonnes de carbone, soit l'équivalent de 36 années d'émissions industrielles annuelles mondiales de gaz à effet de serre.
Ces immenses réserves de carbone sont recouvertes par le territoire à l'état sauvage de la forêt boréale, l'un des plus grands biomes forestiers du monde, encore largement préservé des activités industrielles à grande échelle. On retrouve dans la forêt boréale des milliards d’oiseaux nicheurs de près de 400 espèces. La plupart d'entre eux migrent vers le sud pour l'hiver et leur périple trace un parcours qui relie la forêt boréale, les États-Unis, le Mexique et les Caraïbes vers le sud, en passant par l'Amérique centrale, jusqu’à la pointe méridionale de l'Amérique du Sud. Quelques-uns passent même l’hiver en Europe, en Afrique, en Asie ou en Australie!
On retrouve la plus forte densité d’oiseaux nicheurs comme la paruline à couronne rousse et la paruline rayée dans les habitats de tourbières qui recouvrent des stocks de carbone parmi les plus concentrés de la forêt boréale, comme c’est le cas dans les basses terres de la baie d'Hudson et de la baie James en Ontario.
Ce ne sont là que deux parmi des centaines d’exemples d'espèces d'oiseaux nicheurs de la forêt boréale dont les aires de forte densité de population sont également des territoires qui stockent d’importantes quantités de carbone.
Bien entendu, on observe cette corrélation chez d'autres espèces. C'est le cas du caribou forestier, l’une des espèces les plus emblématiques de la forêt boréale et qui, malheureusement, est désormais officiellement inscrite sur la liste des espèces en péril en vertu de la Loi sur les espèces en péril du Canada. Au Canada, l’habitat de nombreux troupeaux de caribous forestiers boréaux de grande taille recoupe des étendues de tourbières et de sols à forte concentration de carbone.
À la lumière de ces constats, il est permis d’espérer que les efforts visant à accroître le nombre et la superficie des aires protégées dans la forêt boréale permettront de protéger les stocks de carbone qui s'y trouvent ainsi que leurs valeurs en matière d’écologie et de biodiversité.
Heureusement, les communautés et les leaders autochtones prennent déjà des mesures remarquables pour protéger et gérer leurs territoires traditionnels dans la forêt boréale canadienne. Les gouvernements autochtones ont mené dans la forêt boréale certaines des plus importantes initiatives de protection du territoire de l’histoire moderne, principalement sous la forme d’aires protégées et de conservation autochtones. Et d'autres demandes de création d’aires protégées sont à l'étude. Ces nouvelles aires protégées permettraient d'assurer l’intendance de milliards de tonnes de carbone, de veiller sur des territoires qui servent d’habitat à des millions d'oiseaux et d'innombrables autres animaux et plantes de cette région unique et spéciale à l'échelle planétaire.
Par exemple, dans le nord de l'Ontario, la Première Nation Moose Cree a proposé la création d’une aire protégée autochtone du bassin hydrographique nord de la rivière des Français, d'une superficie de 6 500 km2, qui contiendrait 638 millions de tonnes de carbone, soit l'équivalent de plus de trois années d'émissions industrielles annuelles de gaz à effet de serre au Canada. Dans le nord du Manitoba, la Seal River Watershed Alliance, une organisation regroupant quatre Premières Nations et qui jouit du soutien des communautés inuites voisines, a proposé la création de l’. On estime que ce bassin hydrographique contient 1,7 milliard de tonnes de carbone, soit l'équivalent de huit années d'émissions industrielles annuelles de gaz à effet de serre au Canada.
Au moment où ils se réunissent à l’occasion de la COP26 pour discuter de la contribution de chaque nation à la lutte contre les changements climatiques, les dirigeants du monde entier doivent reconnaître cette double crise de la perte de biodiversité et proposer des mesures qui permettront de remédier aux deux volets de cette crise. Il est particulièrement important de soutenir les gouvernements, les communautés et les leaders autochtones et de reconnaître leurs droits afin qu'ils puissent mettre en œuvre, à grande échelle, les solutions déjà mises de l'avant par de nombreux gouvernements autochtones dans des endroits comme la forêt boréale au Canada.